Scoop toujours !
Depuis des semaines la rumeur
bruissait. La World Company allait lancer au choix son nouveau
produit, sa nouvelle organisation, stratégie ou identité visuelle.
Depuis déjà 15 jours tu fais chauffer téléphone, boîte mail et autres
fax pour être le premier à l'annoncer, dès la levée de l'embargo
décrété sur cette info "ultra-sensible". Ta quête du Graal n'est pas
vaine. Te voilà en pole pour l'interview.
Ca y est tu l'as !
Coup de bol, le calendrier des parutions des magazines concurrents
t'octroie, pour cette fois, l'avantage. Tu le soignes ce papier. Tu
multiplies les angles, les encadrés. Cette nouvelle, qui va
radicalement bouleverser le secteur, tu veux la mettre en perspective.
Ton info doit faire sens. Tu stresses. Tu relis dix fois. Tu le
retravailles avec le rédac chef
Le
canard sort. Ton papier fait la Une. Les confrères sont verts.
« Mouais, on l'avait aussi, dommage qu'on sorte en fin de
mois ». Pour un peu tu bomberais le
torse. Mais un je ne sais quoi te retient. Une petite voix intérieur
que tu as étouffée jusque-là. Au fond tu n'es pas dupe. Cette course à
l'info est pipée. Quand le canard arrive sur leurs bureaux, 85 % de tes
lecteurs sont déjà au courant et disposent même de détails dont tu n'as
pas connaissance. Mais comment est-ce possible ? Fournisseurs,
distributeurs, marques
Tes lecteurs sont les représentants d'un
microcosme où tout le monde se connaît, où l'info, la rumeur circule à
la vitesse de l'éclair. Ils ne se méfient que d'une chose : des
journalistes !
Et oui, voilà comment tourne le petit monde de
la communication professionnelle. L'entreprise innove. Puis elle briefe
sa force de vente qui va ensuite évangéliser l'essentiel de la
clientèle. Tu ne viens qu'après. Histoire de crédibiliser l'annonce et de toucher les peuplades reculées.
Et pourtant à chaque fois ça marche. Tu te décarcasses, tu cours après la carotte. Jusqu'à quand ?