On m'a transmis ce texte issu d'un collectif de journalistes de suisse romande.
Paru le 2005-10-17
La presse écrite remplit de moins en moins son rôle
d'information et d'approche critique des événements au profit du
divertissement. Or une information indépendante et crédible est un droit
fondamental du citoyen autant qu’un devoir pour les journalistes et les
éditeurs.
Ce rôle central de notre métier, l’information, est désormais en
danger.
La réponse des éditeurs à l'affaiblissement du marché publicitaire engendre des
concessions toujours plus grandes aux annonceurs au nom de la survie des
titres, mais souvent au détriment du rédactionnel. Informer n’est plus l'objectif premier, les stratégies de séduction
et de communication uniformes l'emportent trop souvent sur l'information voire
tentent de se confondre avec elle. Le journal est devenu un
"produit", mais l’information peut-elle être un produit comme un
autre?
Le symbole le plus fort de cette dérive est la transformation radicale de la fonction du rédacteur en chef, dont le
rôle s’inverse: au lieu de représenter la rédaction auprès de l'éditeur, il est
toujours plus le représentant de l'éditeur auprès de la rédaction; Il
occupe aussi toujours davantage des fonctions de marketing. Il cède toujours
davantage aux pressions extérieures mettant en danger l'indépendance de la
rédaction. Il n'est plus non plus un rempart contre la dégradation des
conditions de travail; il arrive même
qu'il en soit un acteur.
Cette dérive, qui s’accélère, entraîne une perte des repères professionnels,
une précarisation du statut du journaliste. Le manque de personnel, l'absence
de formation et de suivi des stagiaires et le cumul des tâches sont les causes
d’inexactitudes répétées: sources non vérifiées, textes mal relus et erreurs de
faits qui péjorent l'image de la presse. Moins
d'argent pour les enquêtes et les reportages, c'est aussi une information
appauvrie. Or une information à valeur ajoutée a un prix.
La situation a atteint un point critique. Aujourd’hui, des annonceurs assistent
aux séances de rédactions, des
journalistes sont forcés de signer des articles de complaisance et pire,
certains n'ont même pas conscience de ces compromissions. Se taire ne sert pas
notre profession et râler ne suffit plus. Il est urgent de débattre de ces
problèmes, il y va de la crédibilité de la profession, du respect de nos lecteurs et de nous-mêmes. Il nous appartient non
seulement de défendre mais aussi de revendiquer l'éthique professionnelle, comme
le prévoit notre "Déclaration des devoirs et des droits". Si nous ne
le faisons pas, qui le fera ?
Ce texte est le fruit des réflexions d'un groupe de journalistes,
collaborateurs d'une dizaine de titres en Suisse romande (La Tribune de Genève,
24Heures, La Liberté, L'Illustré, L'Hebdo, l'Express, L'Impartial, Le Temps,
L'Agefi, Le Courrier, Terre et Nature) ainsi que des journalistes libres. Ils
n'expriment pas nécessairement leur propre situation, mais une préoccupation
pour l'exercice de la profession en général. Nous invitons tous les collègues à
lancer le débat au sein de leur rédaction.