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Presse pro... mais de quoi ?
9 mars 2005

En ligne de mire

                      

irak_lib_ration_g_segrena
  Illustration Julien Laurent

Aujourd'hui, après avoir été libérée des mains de ses ravisseurs, Giuliana s'en sort. Par chance. Grâce à un agent des services secrets italiens, nouveau héros d'une nation toute entière, qui meurt en la protégeant d'un feu nourri. C'est son métier direz-vous. Tout comme Giuliana connaissait les risques du sien.
Sauf que là, les tirs étaient "amis".
Ca commence à devenir une habitude.
On a même parlé de tirs délibérés. D'embuscade.
Les GI's auraient-ils une raison d'en vouloir aux journalistes... ou sont-ils simplement - mais est-ce plus rassurant ? - bien trop nerveux de la gachette ?

Les civils sont bien sûr les premières victimes. Et, sur les 48 journalistes et collaborateurs des médias tués en Irak depuis le début du conflit, sans oublier les quatre disparus, la plupart l'ont été par la rébellion (irakienne, islamiste, nsp).
Mais, comme le souligne Libé, dès le déclenchement de la guerre en Irak, le 19 mars 2003, les bavures américaines à l'encontre des médias se sont révélées tellement nombreuses que l'on peut légitimement s'interroger pour savoir s'il ne s'agit pas, sinon d'une politique délibérée, du moins d'un encouragement passif de l'état-major.

On se souvient de la tragédie – exemplaire à plus d'un titre - de l'Hôtel Palestine.
La plupart des journalistes étrangers y résidaient lorsqu'il a été bombardé, le 8 avril 2003 par l'armée américaine progressant dans la capitale irakienne sur le point de tomber. Le matin même, un avion A-10 avait mitraillé, délibérément semble-t-il, les bureaux de la chaîne arabe Al-Jezira, tuant un cameraman Jordanien, Tariq Ayoub. Deux cameramen sont tués : l'Ukrainien Taras Protsiuk, de Reuters TV, et l'Espagnol José Couso, de Tele Cinco. La Libanaise Samia Nakhoul, chef du bureau de l'agence Reuters, est grièvement blessée.
Bavure ? Accident ? En tous cas, des enquêtes expéditives, aucune sanction. Pas d'excuses ni compensations aux familles. Le Pentagone a même conclu qu' « aucune faute ou négligence n'a été commise par les forces de la coalition  ». Pourtant, une enquête approfondie de Jean-Paul Mari, du Nouvel Obs,  pour le compte de Reporters Sans Frontières, a permis de publier un  rapport, Deux meurtres pour un mensonge, faisant apparaître qu'aucune menace ne provenait de l'hôtel Palestine, ce que l'armée américaine a fini par concéder. D'autant que les journalistes de l'hôtel Palestine, tout comme Al-Jezira, avaient transmis leur position aux Américains.

Et la montée en puissance de la rébellion irakienne n'a rien arrangé. Depuis le 1er mai 2003, au moins cinq journalistes ont été tués par des tirs américains. Sans jamais qu'aucune sanction disciplinaire n'ait été prise.
On s'en émeut lorsqu'il s'agit d'un(e) de nos reporters occidentaux. Mais qu'en est-il des journalistes irakiens ou plus largement arabophones ?
A-t-on beaucoup entendu parler de Majed Fadhil Zaboun ? Ce journaliste du quotidien indépendant Al-Fourat, a été arrêté, le 28 février 2005, par les forces armées américaines à la frontière irako-syrienne alors qu'il revenait d'un colloque à Damas. « Ce n'est pas la première fois que les forces américaines détiennent arbitrairement un journaliste en Irak. Même sur un théâtre d'opérations sensible, il est important que les forces armées continuent de respecter le travail des professionnels de l'information », a déclaré Reporters Sans Frontières. Joint par l'organisation, Shaker Al-Jabbouri, rédacteur en chef d'Al-Fourat, s'est déclaré « scandalisé » par cette arrestation. On le serait à moins. « Tout le monde connaît Majed Fadhil Zaboun, c'est un écrivain et journaliste respecté. Cette arrestation illégale est une violation flagrante de ses droits. Les Américains soupçonnent tout le monde et n'hésitent pas à emprisonner des innocents. Ce n'est pas ce que j'appelle la démocratie », a-t-il déclaré.

Dernier épisode et pas des moindres, la vidéo diffusée hier mardi 8  mars par des médias italiens - notamment les chaînes Rai Uno et Sky24.  Les ravisseurs présumés de Giuliana y affirme que la CIA voulait la  tuer. Rien que ça !
« La résistance a su que la CIA voulait tuer Giuliana », déclare une voix d'homme ajoutée sur des images de la journaliste d'Il Manifesto. « Le responsable des services secrets de la résistance a averti la journaliste », ajoute la vidéo qui précise « Vous pouvez vérifier tout ce que nous disons ».
On voudrait bien.... Mais comment ?
Les américains ennemis de la liberté d'informer et des kidnappeurs de bonne foi : tout de même difficile à admettre.
Certes Oncle Sam n'est pas toujours adepte de la transparence, mais de là à viser sciemment un(e) journaliste !

Pourtant, Giuliana elle-même n'a pas exclu qu'elle aurait pu être prise  délibérément pour cible.
Absurde selon la Maison Blanche.
Ses ravisseurs lui auraient pourtant assuré que les américains ne voulaient pas d'un accord sur sa libération avec les autorités italiennes. « Les gens qui m'ont kidnappée me disaient qu'ils avaient un accord, qu'ils allaient me remettre aux autorités italiennes, mais que les Américains ne le voulaient pas, a-t-elle  affirmé dans un entretien paru lundi dans L'Humanité. Je l'ai alors pris pour de l'hypocrisie. Mais les autres  otages qui ont été libérés auparavant ont confirmé cela hier », a ajouté  la journaliste italienne.

Une question demeure : Pourquoi ? 
RSF a demandé une enquête de l'ONU sur la fusillade qui a tué Nicola Calipari et blessé Giuliana Sgrena ainsi qu'un ou deux autres agents italiens.

Sans grande chance d'être entendu, on s'en doute.
Ou d'obtenir mieux que la version officielle : « La voiture roulait trop vite ».

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