13 janvier 2005
La conf du matin ou le jeu de l'ego
Le carton d'invitation indiquait 9h15 précises. 9h50 et des poussières,
tu sors du métro en pressant le pas. Essoufflé, tu relativises :
« Jamais vu une conf de presse qui démarre à l'heure ».
L'attaché de presse t'accueille avec un grand sourire :
« Rassurez-vous, vous n'êtes pas le dernier ». Un journaliste
en retard de moins d'une heure est à l'heure. Tu t'immisces dans la
salle de petit-déjeuner et tentes de repérer une bonne place.
Une bonne place ? Qu'est ce qu'une bonne place ? Un savant dosage, mariant le confrère ou la consur sympa, une certaine proximité avec les VIP de la puissance invitante (on est pro où on ne l'est pas), voire le ou la jeune inconnue (le journaliste est curieux). Bon, plus tu arrives tard, plus les options se restreignent.
Une fois assis et même si le « show » a commencé, il est vital d'accrocher le regard du serveur. « Un grand café et une orange pressée s'il vous plait. » Quelques mini-viennoiserie plus tard, le stylo commence à courir sur le bloc, entre les miettes. En théorie il ne faut pas en perdre une ! Ca peut toujours servir. Certains confrères se la coulent douce. Attentifs, les yeux mi-clos (un supplément de sommeil), ils ne prennent aucune note. A quoi bon ? Tout est dans le dossier de presse : chiffres, diagrammes, historiques, argumentaires. Tu les observes du coin de l'il. Si celui là termine sa nuit, si ceux là devisent presque bruyamment entre eux, d'autres peaufinent la question qui tue pour la séance de Questions-Réponses qui clôt traditionnellement toute conf de presse digne de ce nom.
Car l'important, pour nous, ce n'est pas tant l'article qui sera publié. A un iota près, on écrira tous la même chose. Le petit jeu de la concurrence nous pousse à un jeu de rôle. Le casting est immuable. Les figurants muets - trop jeunes, trop réservés, trop flemmards ou trop blasés. Les routiers de la question bateau, histoire de dire qu'ils y étaient et de répondre oui quand leur rédac chef leur demandera « T'as posé des questions ? ». Et puis deux ou trois, toujours les mêmes, qui se disputent la tête d'affiche. Lequel saura poser la question la plus perfide, celle qui démontre qu'il connaît le dessous de certaines cartes ? Lequel aura l'audace, le ton, le style ? Lequel saura faire hausser le sourcil du Pdg ? Surtout lequel saura rendre vert son concurrent, dont la question a été expédiée en deux temps trois mouvements, sous les murmures approbateurs de ses confrères. Un vrai jeu de l'ego.
Mais devinez le sujet qui rassemble la corporation avant de s'éparpiller ? « On sent qu'ils ont réduit les budgets ! Franchement, l'an passé, l'hôtel était plus classe », affirme l'un. « Surtout, les croissants étaient limite rassis », conclut l'autre.
Une bonne place ? Qu'est ce qu'une bonne place ? Un savant dosage, mariant le confrère ou la consur sympa, une certaine proximité avec les VIP de la puissance invitante (on est pro où on ne l'est pas), voire le ou la jeune inconnue (le journaliste est curieux). Bon, plus tu arrives tard, plus les options se restreignent.
Une fois assis et même si le « show » a commencé, il est vital d'accrocher le regard du serveur. « Un grand café et une orange pressée s'il vous plait. » Quelques mini-viennoiserie plus tard, le stylo commence à courir sur le bloc, entre les miettes. En théorie il ne faut pas en perdre une ! Ca peut toujours servir. Certains confrères se la coulent douce. Attentifs, les yeux mi-clos (un supplément de sommeil), ils ne prennent aucune note. A quoi bon ? Tout est dans le dossier de presse : chiffres, diagrammes, historiques, argumentaires. Tu les observes du coin de l'il. Si celui là termine sa nuit, si ceux là devisent presque bruyamment entre eux, d'autres peaufinent la question qui tue pour la séance de Questions-Réponses qui clôt traditionnellement toute conf de presse digne de ce nom.
Car l'important, pour nous, ce n'est pas tant l'article qui sera publié. A un iota près, on écrira tous la même chose. Le petit jeu de la concurrence nous pousse à un jeu de rôle. Le casting est immuable. Les figurants muets - trop jeunes, trop réservés, trop flemmards ou trop blasés. Les routiers de la question bateau, histoire de dire qu'ils y étaient et de répondre oui quand leur rédac chef leur demandera « T'as posé des questions ? ». Et puis deux ou trois, toujours les mêmes, qui se disputent la tête d'affiche. Lequel saura poser la question la plus perfide, celle qui démontre qu'il connaît le dessous de certaines cartes ? Lequel aura l'audace, le ton, le style ? Lequel saura faire hausser le sourcil du Pdg ? Surtout lequel saura rendre vert son concurrent, dont la question a été expédiée en deux temps trois mouvements, sous les murmures approbateurs de ses confrères. Un vrai jeu de l'ego.
Mais devinez le sujet qui rassemble la corporation avant de s'éparpiller ? « On sent qu'ils ont réduit les budgets ! Franchement, l'an passé, l'hôtel était plus classe », affirme l'un. « Surtout, les croissants étaient limite rassis », conclut l'autre.
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